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Ostéotomie dans le cadre des lésions des ménisques et du cartilage

L’ostéotomie autour du genou est une technique bien décrite dans le traitement de l’arthrose uni compartimentale débutante du genou sur défaut d’alignement dans le plan frontal(1). Le but étant de décharger le compartiment touché corrigeant une déformation métaphysaire et ainsi, l’axe du membre inférieur (1–3). Cette effet, bénéfique mécanique permet également d’espérer une amélioration de l’état des tissus cartilagineux et méniscaux (4).


Devant ce principe, les ostéotomies sont parfois proposées comme traitement adjuvant des procédures souvent pratiquées retrouvées dans un contexte de défaut d’alignement telles que les lésions cartilagineuses ou méniscales. Cette logique trouve également un écho dans la description fréquente de résultats médiocres de chirurgies méniscales et cartilagineuses isolées quand l’alignement du membre inférieur est défavorable (5). (ref : varus et racine médiale).


Nous nous intéresserons ici aux spécificités des ostéotomies du genou associées aux traitements des lésions méniscales : méniscectomies, lésions de la partie postérieure du ménisque médial (corne et racine) et enfin allogreffes méniscales.


 



    1. Ostéotomie et méniscectomie


La littérature actuelle suggère que l’alignement en varus augmente la surcharge du compartiment médial et augmente le risque de lésions méniscales dégénératives (15–17)(6–8)(17–19)(16–18) ainsi que le développement et la progression de l’arthrose (9,10). La méniscectomie est également arthrogène, aggravant les contraintes sur la surface cartilagineuse découverte. 


L’étude in vitro de Willinger et al (11) confirme que l’alignement varus, associé à une résection de 50% du volume méniscal médial augmente significativement la pression dans le compartiment femoro-tibial interne (comparativement à un alignement en valgus) et suggère ainsi que l’alignement des membres doit être pris en compte dans la réalisation d’une méniscectomie partielle associée à un Genu Varum pour éviter une détérioration précoce du compartiment touché.


Comme le suggère Primeau


 


 


 


 


 


Il semblerait que le défaut d’alignement associée à geste de résection méniscale aggraverait la surcharge compartimentale et donc la progression de l’arthrose. L’ostéotomie tibiale de valgisation jusque-là réservée aux cas d’arthrose débutante chez le sujet jeune pourrait avoir sa place chez les patients plus âgés ayant une symptomatologie méniscale.


Dans notre pratique, l’ostéotomie est envisagée après échec d’un traitement médical bien conduit pendant au moins 6 mois ( port d’une attelle de décharge et/ou semelle orthopédique avec résultat sur la douleur significatif pour le patient) associée à l’existence d’une déformation métaphysaire significative (MPTA <84° mLDFA >90°). Si ces critères sont remplis nous réalisons un geste mixte avec une arthroscopie visant à suturer au mieux la lésion dégénérative avec des points all-inside, comme Alentorn-Geli et Al (13) et nous réalisons ensuite l’ostéotomie pour corriger la déformation principale.


 



    1. Ostéotomie tibiale de valgisation et lésion de la partie postérieure du ménisque interne


L’intérêt des réparations méniscales pour préserver ses fonctions, à savoir la répartition des charges, l’absorption des chocs, la stabilité de l’articulation et le retard la dégénérescence arthrosique du cartilage n’est plus à démontrer (18). Le succès de ces réparations ne dépend pas seulement du type de réparation réalisée mais aussi de différents facteurs cliniques tels que l’âge, le sexe, l’IMC, le tabac, la présence d’arthrose préalable et de lésions cartilagineuses.


La revue de la littérature de Jiang et Al (14) retrouve qu’une arthrose pré existante  de haut grade (outerbridge >3), des lésions cartilagineuse ainsi qu’un genu varum > 5° sont des facteurs de mauvais pronostic dans les réparations des lésions de la racine postérieure du ménisque médial.


En effet, comme le montre Moon et Al (15), un varus > 5° est associée à des scores de douleurs plus élevées et de moins bons scores IKS après réparation de la racine postérieure du ménisque médial sur 51 patients d’âge moyen 59 ans sur 33 mois en moyenne de suivi.


Par ailleurs, peu d’études analysent la cicatrisation du ménisque médial si une ostéotomie du tibia proximal est réalisée.


Nha et al (16) ont suivi retrospectivement 20 patients qui ont eu OTV avec  débridement seul de lésions de la corne postérieure du ménisque médial. Il y avait 50% de cicatrisation complète, 30% de cicatrisation incomplète et 20 % de non cicatrisation à 28 mois de suivi. Tous les patients étaient améliorés de manière significative en post opératoire mais sans différence significative sur l’état de cicatrisation méniscale.


De même, l’étude de Lee et al (17) compare les résultats cliniques et arthroscopiques des réparations vs absence de réparation des lésion de la corne postérieure du ménisque médial associée à une OTV sur un suivi minimum de 2 ans. Les auteurs retrouvaient significativement plus de cicatrisation méniscale dans le groupe réparation  76 vs 40%) lors d’un contrôle arthroscopique mais aucune différence sur les résultats cliniques.


Jing et al dans leur étude paru en 2019 analysant 27 patients (19) retrouvent 41% de cicatrisation complète et 59% de cicatrisation partielle après réparation de la racine postérieure du ménisque médial par suture all inside associée à une OTV à 18 mois lors d’une arthroscopie de contrôle associée à l’ablation de la plaque d’ostéotomie (par ailleurs, couverture cartilage complète des lésions chondrales). Tous les patients de la cohorte étaient améliorés sur le plan clinique sans différence significative selon l’état de cicatrisation du ménisque.


L’alignement fémoro-tibial dans le plan frontal est un facteur important à prendre en compte dans la pathologie méniscale médiale. En effet, la présence d’un défaut d’alignement pourrait expliquer l’absence ou la moindre cicatrisation de ces structures lorsqu’elles sont réparées et de ce fait une part non négligeable d’échec des réparations méniscales mais surtout une partie de la symptomatologie en présence de ces lésions.


Dans notre pratique, devant une lésion méniscale médiale d’allure micro-traumatique ou une pathologie de la racine méniscale médiale, notre philosophie est donc de toujours rechercher un défaut d’alignement par une télémétrie des 2 membres inférieurs de face en charge et en appui monopodal lors d’une lésion méniscale réparable et a fortiori lors d’un échec de réparation méniscale.


S’il existe effectivement une anomalie métaphysaire tibiale ou fémorale de plus de 5° (MPTA <84° et/ou mLDFA>91°), nous associons à la réparation méniscale une ostéotomie tibiale ou fémorale en fonction des données de la télémétrie avec une objectif de légère surcorrection (HKA final 182°) sur genu varum et normocorrection (HKA 180°) pour les genu valgum.


Dans de procédure assocoant une ostéotomie tibiale à une réparation méniscale, l’équipe de Nakamura et Al préconise de commencer par l’ostéotomie car la libération de ligament collatéral médial nécessaire dans l’abord permet une ouverture plus facile du compartiment FT interne facilitant ainsi la réalisation du geste sur le ménisque.


 


 



    1. Ostéotomie et allogreffe méniscale


L’allogreffe méniscale (AGM) est un traitement efficace pour améliorer les symptômes sur les genoux post meniscectomie totale ou sub totale chez le sujet jeune et actif (20). Une AGM latérale est plus souvent réalisée qu’une AGM médiale à cause d’une incidence plus souvent élevée d’arthrose du compartiment latéral (21). En effet, la transmission de charge à travers le compartiment médial est partagé à parts égales entre cartilage et ménisque médial, tandis qu’en latéral, le ménisque latéral porte 70% de la charge transmise (22).


Le succès de l’AGM dépend de l’exécution de la procédure avec les indications appropriées ( meniscectomie douloureuse, absence d’arthrose avancée, genou stable et aligné ) utilisant des allogreffes de taille adaptées, une technique méticuleuse et une rééducation appropriée. En effet, un défaut d’alignement, une instabilité et une atteinte cartilagineuse sont associés à de mauvais résultats cliniques. Par conséquent si le patient présente une de ces pathologies associées, des procédures supplémentaires doivent être réalisées pour optimiser les résultats. Elles sont réalisées dans plus de 50% des cas(23).


La revue de littérature de Novaretti et Al(24) portant sur 11 études et 688 AGM retrouvait un taux de survie moyen de 73,5 % à 10 ans et 60,3% à 15 ans, plus important pour les AGM latérales que médiales. L’AGM était associée dans 20,8% des cas à un geste sur le cartilage, 12,4% des cas sur les ligaments et 9,4% des cas à une ostéotomie de réalignement. Les complications observées n’étaient pas liées directement aux gestes complémentaires.


Dans la série de Verdonk et al (20) portant sur 39 AGM médiales et 61 AGM latérales, la survie à 10 ans était de 74,% pour les AGM médiales et de 69,8% pour les AGM latérales. De plus, les patients subissant une AGM médiale associée à une ostéotomie tibiale avaient de meilleurs résultats cliniques et un taux de survie plus importants à plus de 10 ans que ceux ayant une AGM isolée (83,3% vs 70%).


La revue de littérature de Lee et al (25) sur 24 études ne retrouvait pas de différence clinique significative entre les AGM isolées et celle avec gestes associés. En ce qui concerne les taux de survie et d’échec, les résultats étaient plus variables ce qui ne permettait pas de tirer de conclusions hâtives en termes de taux de complications, survie, ré opération et échec.


L’alignement du membre est donc un des facteurs les plus importants à prendre en compte en pré opératoire. La réalisation d’une ostéotomie de correction d’axe en plus de l’AGM n’est a priori pas associée à des taux plus importants de complications ou d’échec et permettrait d’avoir des résultats cliniques et un taux de survie équivalents voire supérieures à ceux d’une AGM isolée (25).


Le bilan pré AGM comporte donc une télémétrie des 2 membres inférieurs en charge ainsi qu’en appui monopodal.


S’il existe un varus > 5° lors dans le cadre d’une AGM médiale, nous préconisons une ostéotomie de valgisation (fémorale ou tibiale selon le site principal de la déformation) avec pour objectif un axe mécanique passant par l’épine tibiale latérale (HKA 182), et donc une légère hypercorrection. (fig PSI j’en ai une)


S’il existe un valgus > 5° dans le cadre d’une AGM latérale, nous préconisons une ostéotomie varisation (fémorale ou tibiale selon le site principal de la déformation)  avec pour objectif un axe mécanique passant par l’épine tibiale médiale (HKA 180°) et sans hypercorrection.


 


Perspectives.


Il existe finalement peu de données sur l’effet d’une correction de l’alignement des membres inférieurs sur la cicatrisation méniscale. Notre expérience nous pousse à associer ,de plus en plus fréquemment, les procédures de sauvetage méniscal (réparation de lésion dégénérative par exemple) ou d’allogreffe à des ostéotomies.


De nombreuses séries cliniques devraient voir le jour dans les prochaines années pour étayer cette logique (qui peut sembler agressive) chez des sujets entre deux âges voulant conserver une activité professionnelle, sportive ou récréative le plus souvent compromise par les chirurgies prothétiques.


 


 


 

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